JOUR 4
Journée de liaison pour rejoindre CARPENTRAS. Nous circulerons sur les petites routes jaunes que j'affectionne, à la recherche de plaques de cocher.
Un passage à ETOILE SUR RHONE pour voir le monument de la Fédération, commémorant la création en novembre 1789 de la première fédération de patriotes de 17 communes des environs de Valence. C'est le point de départ d'un mouvement qui aboutira à la constitution d'une véritable armée patriotique nationale, comme je l'avais lu dans l'histoire de la Révolution française de Michelet.
Petit à petit, au fil de notre descente, les toits s'abaissent et changent de couleur, le paysage évolue, les foins sont faits, de nouvelles odeurs viennent caresser nos narines. Les premiers champs de lavandin apparaissent avant Valréas, ainsi que les premières vignes de l'appellation "Cote du Rhône village"…..mais aussi les odeurs de produits de traitement de ces vignes. Nous circulerons ainsi dans un patchwork de vert des vignes, de violet de la lavande et de jaune des genêts.
Nous dénichons un petit coin sous les frondaisons pour pique-niquer, en retrait de la route. Il fait chaud, trop chaud, pas vraiment envie de reprendre la route… et restons là un bon bout de temps à écouter cigales et oiseaux. Mais il faut poursuivre notre chemin. Nous traversons des villages sans âme qui vive, écrasés sous le soleil (37° à l'enseigne d'une pharmacie).
Nous nous sommes volontairement limités à la visite de la ville haute de VAISON LA ROMAINE, d'une part par manque de temps, d'autre part parce que nous avions déjà visité des sites antiques identiques à ceux de Vaison-la-Romaine.
Une fois franchi le pont romain qui avait résisté à la crue de 1992, le circuit passe au pied du beffroi, puis par l'ancienne église-cathédrale servant désormais de lieu d'expositions culturelles et se finit par le château comtal, perché sur son rocher, mais qui ne se visite pas. En redescendant de calade en calade, il faut prendre le temps d'admirer les belles façades des anciens hôtels particuliers et les fontaines des placettes.
Nous arrivons à CARPENTRAS en début de soirée. Que dire de cette ville ? Nous y avons passé 2 soirées dans l'intra-muros, notre chambre d'hôtes étant située non loin. Le premier soir, aussitôt passée la porte d’Orange, dernier vestige des remparts du Moyen-Âge, nous avons trouvé un centre historique quasi désert, tous les commerces déjà fermés à 19 heures. Elle nous a laissé une impression de ville sans âme, sans vie. Seule une place avait un semblant d'activité grâce à deux restaurants et un pub à bières.
Le lendemain soir, nous avons remarqué un rassemblement de personnes devant la cathédrale Saint-Siffrein. Renseignements pris, elles attendaient pour partir en procession avec la statue de St Jean, avec flambeaux, lampions et groupe folklorique traditionnel provençal pour rejoindre une place et assister à l'embrasement du bucher. Celui-ci eu lieu après bénédiction du prêtre (en provençal puis en français), le feu étant bouté conjointement par le maire (socialiste, pour l'anecdote) et Marion Maréchal-Le Pen, députée de la circonscription. A l'issue, une chorale provençale donna l'aubade, devant moins de 200 personnes.
JOUR 5
Le Ventoux fait partie de ces quelques lieux mythiques où tout motard se doit d'y avoir posé ses roues au moins une fois. Aujourd'hui, j'allais l'ajouter à mon crédential virtuel.
Avant de rejoindre le Géant de Provence, nous faisons un crochet vers les Dentelles de Montmirail et ses aiguilles crénelées, bleutées, qui semblent vouloir toucher les nuages, pour une petite rando pédestre non loin de Lafarre, nous menant au pied de la chapelle St Christophe, perchée sur un piton rocheux et offrant une vue exceptionnelle sur les villages enclavés entre champs d'oliviers et vignes.
A partir de Suzette, le CD 90 qui permet de rejoindre Malaucène est un véritable plaisir, tant pour les paysages qu'il offre à nos yeux que pour la route, viroleuse à souhait et encore peu fréquentée à cette époque.
On entre dans Malaucène par une rue bordée de vénérables platanes bien alignés et une vingtaine de kilomètres plus loin, par une succession de virages sur une chaussée assez large, au bon grip et peu fréquentée, le mont Serein est atteint.
Ensuite, une succession de virages plus étroits, en épingle, vous conduisent au pied de l’observatoire. En plein vent, on découvre un paysage minéral d'une blancheur éclatante, seulement composé de pierriers, dénué de végétation. On pourrait presque se croire sur la Lune !
Après avoir posé un kikol du club sur le panneau et sacrifié à la tradition de la photo, nous avons déjeuné à l'unique brasserie du Mont Ventoux, (personnels agréables, prix corrects).
Lors de la descente sur le versant sud, nous avons croisé des cyclistes tentant l'ascension en pleine chaleur (il était déjà plus de 14 H 00), certains semblaient faciles, d'autres faisaient quasi du sur-place ou étaient stoppés au bord de la route, cherchant leur second souffle.
Au chalet Reynard, nous avons bifurqué vers SAULT. En effet, 2 jours avant, lors d'une pause dans le Vercors, nous avions bavardé avec l'hôtelier, motard lui aussi, curieux de la CTX. Lui parlant de notre itinéraire, il nous a conseillé de faire une halte chez André Boyer, Maitre nougatier à SAULT, très renommé dans la région (le renseignement était bon, les nougats aussi… nous avons fait quelques provisions).
A la sortie de Sault, il faut prendre la direction de Monieux et des gorges de la Nesque. Sur 22 km, ce ne sont que virages en balcon, précipices impressionnants et tunnels successifs taillées dans le rocher. Cette route étroite n'offre que peu de place (et pas de sécurité) pour se stationner ailleurs que sur les belvédères, et s'il n'y en a qu'un, c'est celui du Castelleras. En face se trouve le Rocher du Cire qui tire son nom des abeilles sauvages qui le peuplaient. Une stèle raconte que Frédéric Mistral, accroché à des cordes en surplomb du précipice de 300 mètres, serait venu visiter ces ruchers sauvages.
Avant de regagner notre hébergement, nous sommes remontés vers LA-ROQUE-ALRIC que nous devions "normalement" voir le matin, mais inaccessible pour cause de route barrée dans notre sens de circulation. Mais l’arrivée sur le village, bâti contre une épine calcaire, valait ce détour improvisé.
JOUR 6
Ce sera encore une journée de liaison/tourisme.
Notre première halte fut pour l'abbaye de Sénanque. Enserrée dans le creux d'un vallon, entourée de champs de lavandes, cette bâtisse à l'architecture massive et dépouillée dégage une atmosphère particulière, faite de douceur et de sérénité. Toujours habitée par une communauté de moines cisterciens, seule une partie des bâtiments peut être visitée, librement ou avec un guide, en fonction des heures de la vie monastique.
Arrêt suivant à GORDES, l'un des plus beaux villages de France, bâti à même le roc, face à la montagne du Luberon.
Alors que nous nous apprêtions à nous restaurer à l'ombre du château forteresse, un agent de la police municipale nous pria (ainsi que d'autres motards) d'aller stationner nos montures plus loin, afin de ne pas "polluer" (sic) d'éventuelles photos. Nous avons déménagé quelques mètres plus loin, en face, sur un parking, payant (qu'aucun des délogés n'a acquitté par esprit de "révolte"), à l'ombre d'une fontaine entourée de platanes salvateurs compte tenu de la chaleur ambiante. De là, nous avons pu assister à l'installation de groupe de cyclistes appuyant leurs vélo contre le mur d'enceinte, ou de touristes débarquant de cars et s'installant pour piqueniquer sans état d'âme, tout cela sans déclencher la moindre réaction du cerbère de service. Deux poids, deux mesures ?
Il faut dire que GORDES est devenu un des lieux de vacances privilégiés de nombreux artistes et de la jet-set. J'en veux pour preuve qu'au centre de GORDES est implanté un hôtel de luxe où nous avons vu des employés de cet établissement bloquer la circulation, le temps que les bagages soient déchargés et que le voiturier gare une Maserati, puis une Porsche, laissées là sur la chaussée par leurs propriétaires.
Nous reprenons la route après la pause. Les paysages sont très agréables, et nous ne sommes pas trop dérangés par la circulation. Autour de nous ce ne sont que champs de lavande, de melons, d'abricotiers et de tilleuls le long de la route. Quel mélange d'odeurs !
Et nous atteignons Roussillon en Provence. Bâtie au sommet d'une falaise d'ocre, cette commune, avec ses pierres, ses toits, et ses façades est en parfaite harmonie avec le paysage qui l'entoure, tout de rouge et de vert.
Utilisée depuis la préhistoire, exploitée depuis l’occupation de la Provence par les romains, l'ocre n'est devenue un produit industriel à la fin du XVIIIe siècle que grâce à l’intuition d'un roussillonnais qui eut l’idée de laver les sables ocreux, pour en extraire le pigment pur.
Nous avons stationné notre bécane devant le centre social et culturel, grâce à sa secrétaire, elle-même motarde, qui nous a fait savoir que partout c'était payant, même pour les motos, et qui de plus, s'est proposée spontanément de garder casques et blousons le temps de la visite. Un grand merci à elle.
Nous partons sur «le Sentier des Ocres», un sentier balisé (avec deux boucles au choix, une courte de 35 mn et une plus longue de 55 mn) jalonné de panneaux éducatifs sur la géologie, l’histoire, la flore, conduit vers la Chaussée des géants. Là se dressent de magnifiques cheminées de fées et des sculptures naturelles dues à l’eau, au vent ou à l’homme.
Je ne résiste pas au plaisir de vous narrer la légende de l'ocre (en version courte).
Il était une fois… la jeune Dame Sermonde, épouse de Raymond d’Avignon, le seigneur local, était délaissée par son mari, plus préoccupé par ses parties de chasse.
Elle s’éprit d’un jeune troubadour, Guillaume de Cabestan. Raymond d’Avignon eu vent de leur liaison et fou de rage, imagina une cruelle vengeance.
Il tua le troubadour et fit servir à sa femme le cœur de son amant lors du repas. Apprenant la nouvelle, Dame Sermonde se précipita du haut de la falaise, son sang répandu colorant à jamais la terre de la colline.
Notre étape pour la nuit fut à MOUSTIERS STE MARIE, en chambre d'hôtes. Notre hôtesse, ancienne décoratrice de cinéma, Artiste dans l'âme, profite de sa retraite pour bourlinguer à travers le vaste monde, avec une préférence pour l'Amérique du Sud et l'Asie. De retour en France, elle concrétise ses souvenirs à travers tableaux, sculptures en suivant les influences artistiques locales qu'elle a rencontrées. C'est surprenant, dépaysant, mais ce fut un vrai plaisir de l'entendre nous narrer la genèse de ses œuvres.